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L’évaluation, un levier pour la réussite

François-Marie GERARD

 

Références : GERARD, F.-M. (2013), L’évaluation, un levier pour la réussite, Après l'université d'été... la feuille d'automne - Actes de l’Université d’été des enseignants de la CCI Paris Ile-de-France, 27-28 juin 2013, 1-7.

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L’évaluation est aujourd’hui omniprésente dans les pratiques pédagogiques. Les acteurs éducatifs parlent souvent d’un processus d’enseignement-évaluation-apprentissage, signifiant par là qu’il est quasiment impossible d’enseigner efficacement pour permettre l’apprentissage des élèves si l’évaluation n’accompagne pas le processus (Gerard & Roegiers, 2011). Néanmoins, il convient de placer l’évaluation à sa juste place : si elle est un outil précieux pour aider l’apprentissage, c’est ce dernier qui reste l’important. L’évaluation peut être un levier puissant pour la réussite, mais elle ne trouve tout son sens que si au bout du compte, elle permet de constater cette réussite.


Il est intéressant de constater que, d’un point de vue étymologique, les mots « évaluation » et « évaluer » ont pour origine la racine indo-européenne *wal dont la signification est « exprimer sa force », « être puissant ». Sur cette base, le latin utilisera evaluatio, un mot composé de la préposition « e » (ou « ex ») signifiant « hors de », et du substantif valuatio, dérivé du verbe valere, « être fort, bien portant, puissant » ou « valoir ». Cette référence étymologique est instructive : évaluer consiste à faire sortir la valeur de ce qu’on évalue, à en montrer la force et la puissance…

Cette valeur ne devrait pas, dans l’évaluation scolaire, se limiter à une « note ». Celle-ci peut bien sûr être utile pour quantifier la valeur, mais elle ne devrait pas être le seul produit de l’évaluation. Comme Jacques Ardoino l’a bien montré, l’évaluation est un processus producteur de sens. La valeur à faire sortir – la plus-value de l’évaluation – est au bout du compte une meilleure compréhension du mécanisme d’apprentissage de l’élève.


Dans ce processus de base, deux difficultés guettent tout évaluateur :

• d’une part, il y a toujours le risque de faire porter l’évaluation sur « ce qu’est l’élève », et non pas sur « ce qu’il a appris ». L’école s’efforce évidemment non seulement de faire acquérir des savoirs et des savoir-faire, mais aussi de développer des savoir-être. Ceux-ci devraient bien sûr être également évalués même si cette évaluation n’est pas sans poser de difficultés, tant méthodologiques qu’éthiques (Gerard, 2011). Il existe cependant un risque réel de « juger l’élève » sur sa personnalité propre, avec tous les dangers de normalisation à outrance, alors que ce qui devrait avant tout intéresser l’école est ce que l’élève y a appris ;
• d’autre part et en prolongement de ce qui précède, il existe aussi le risque de faire porter l’évaluation sur ce que l’élève a appris « en dehors de l’école », et non pas sur ce qu’il a appris « à l’école ». Or, ce qui intéresse l’évaluateur scolaire devrait être la plus-value apportée par l’école. Prenons l’exemple de l’évaluation de compétences orales en langue maternelle. Cette évaluation est essentielle, mais comment peut-on être sûr qu’on évalue bien les compétences linguistiques apprises à l’école, et non pas le bagage linguistique que tout élève possède avant d’arriver à l’école ? S’il n’est pas possible d’isoler la « plus-value scolaire », alors on ne peut pas s’étonner que l’école ne fasse que reproduire les différences sociales.
L’évaluation scolaire est donc un processus complexe qui peut très rapidement être détourné de sa vocation première – faire sortir la valeur des acquis scolaires – pour devenir un outil de sélection, de sanction ou de (dé)motivation. Cette dernière utilisation de l’évaluation est très répandue : beaucoup d’enseignants disent qu’ils évaluent parce que c’est la seule manière de motiver quelque peu les élèves à apprendre, sans se rendre compte que – plus souvent – l’évaluation débouche sur une démotivation des élèves, car elle ne fait que mettre en avant ce qu’ils savaient déjà, à savoir qu’ils sont incompétents ! Le sentiment d’incompétence est ainsi malheureusement souvent renforcé par l’évaluation (Paquay, 2000) alors même que les enseignants en espèrent juste le contraire. La meilleure manière d’éviter cette dérive est sans doute d’orienter l’évaluation vers ce qu’elle est vraiment censée permettre. Ce sont les fonctions de l’évaluation.

1. Les fonctions de l’évaluation

L’évaluation certificative intervient lorsqu’il faut attester la maîtrise par un élève des objectifs de la formation. Cette évaluation a surtout une fonction administrative : elle est nécessaire parce que la société a besoin de s’assurer que les élèves issus du système éducatif ont effectivement les compétences attendues. L’évaluation certificative intervient bien sûr à la fin des cycles, et est parfois fortement instrumentée, comme pour le « Bac ». Cette instrumentation n’est cependant pas indispensable, comme le montre encore pour le moment le système éducatif belge dans lequel le « Certificat d'enseignement secondaire supérieur » – équivalent au Bac – est délivré sur la base de l’évaluation de l’équipe éducative d’un établissement, et non pas à la suite d’une évaluation externe.


Il peut aussi y avoir des certifications en cours d’apprentissage : chaque fois qu’un ensemble d’objectifs a été travaillé, l’enseignant peut mettre en place un processus d’évaluation certificative. L’objectif de celle-ci est de prouver que l’élève maîtrise un certain nombre d’acquis. Ce qui intéresse l’évaluateur est dès lors ce qui est maîtrisé par l’élève, et donc ses réussites. Tout comme ce qui permet de savoir qu’une équipe sportive a gagné un match est le nombre de buts marqués, pour savoir si un élève a « gagné », il faut s’intéresser aux « buts » qu’il a atteints. À ce moment-là, les erreurs qu’il commet ne sont pas importantes. Ce qui importe est qu’il maîtrise l’essentiel de ce qui est attendu de lui. Si on prend l’exemple de la dictée utilisée pour vérifier la maîtrise par l’élève des apprentissages réalisés en matière d’orthographe, la correction lors de l’évaluation certificative ne devrait en aucun cas porter sur les « fautes » de l’élève, mais sur ses réussites, c’est-à-dire les mots qui sont écrits correctement. Plutôt que de « retirer un point par faute », il faudrait accorder des points par mot correctement orthographié. On pourrait ainsi calculer la proportion de mots écrits correctement sur le nombre de mots de la dictée, et décider par exemple – comme le stipulent les « Socles de compétences » (Ministère de la Communauté française de Belgique, 1999, p. 15) que l’élève doit – pour réussir à la fin de la 3e étape de l’enseignement (8e année de l’enseignement de base) – écrire « 90% de formes correctes dans ses propres productions ».


Quant à elle, l’évaluation formative est semblable à ce qui se passe lorsqu’un malade se rend chez le médecin (Gerard & BIEF, 2008 ; Jouquan, Parent & Audétat, 2013). Celui-ci va ausculter le malade en s’intéressant à tous les symptômes, à tout ce qui ne va pas. Lorsqu’il aura identifié tous les maux du patient, le médecin établira un « diagnostic » qui lui permettra de proposer une « thérapie », c’est-à-dire un traitement susceptible de guérir la maladie. L’enseignant devrait faire exactement la même chose : identifier toutes les erreurs de l’élève pour établir un diagnostic pédagogique et ensuite élaborer une thérapie pédagogique, soit en modifiant ses propres pratiques, soit en organisant une « remédiation » (remède) susceptible de pallier les difficultés rencontrées par l’élève dans ses apprentissages. 


L’évaluation formative consiste donc à recueillir de l’information sur les erreurs d’un élève, pour réaliser un diagnostic à propos de celles-ci et lui proposer une thérapie, une remédiation qui lui permettra de surmonter ses difficultés. Si on prend l’exemple de la dictée, utilisée cette fois durant l’apprentissage pour réguler celui-ci, la correction portera exclusivement sur les « fautes », non pas pour les compter, mais pour en faire une analyse différenciée, selon différents paramètres, afin d’avoir une vue claire sur le type de difficultés rencontrées par l’élève. Sur cette base, l’enseignant proposera diverses remédiations : une nouvelle découverte des règles, des exercices supplémentaires, une recherche complémentaire… Par la suite, il sera intéressant de faire un nouveau diagnostic pour voir si les erreurs sont surmontées et si l’apprentissage peut continuer.
Le diagnostic pédagogique au cœur de l’évaluation formative ne requiert pas nécessairement de grandes analyses sophistiquées. Pour garder l’analogie avec le travail du médecin, celui-ci dresse parfois son diagnostic uniquement sur les déclarations du patient et propose une thérapie en dialogue avec la personne qui n’est d’ailleurs pas nécessairement « malade », mais seulement en mauvaise santé. L’enjeu n’est pas alors de guérir, mais de rééduquer à de bonnes pratiques de santé.


Le travail thérapeutique peut alors jouer à différents niveaux : remise en question des pratiques d’enseignement, élucidation des processus d’apprentissage, analyse institutionnelle du cadre d’enseignement, travail sur la motivation de l’élève… En d’autres mots, travailler dans une perspective d’évaluation formative nécessite de considérer que l’élève n’est pas seul responsable de son apprentissage et de ses erreurs, mais que c’est l’ensemble du processus institutionnel enseignement-évaluation-apprentissage qui est en jeu et qui peut être modifié dans chacune de ses dimensions, en fonction des besoins dégagés lors du diagnostic.


Enfin, une troisième fonction de l’évaluation peut être l’orientation, lorsqu’il s’agit par exemple de fonder la décision d’orienter l’élève vers telle ou telle filière de formation, ou d’évaluer chez les élèves la maîtrise des prérequis nécessaires à un nouvel apprentissage. Cette deuxième raison est trop souvent négligée, alors que des études empiriques montrent d’une part qu’il est impossible de réaliser de nouveaux apprentissages sans en maîtriser les prérequis et d’autre part, qu’avec le temps, il y a une déperdition importante dans les acquis scolaires (ce qui a été acquis un jour ne l’est pas nécessairement 3 mois plus tard).

2. Les démarches d’évaluation


Pour accomplir les fonctions de l’évaluation, trois types de démarches sont possibles : la démarche sommative, la démarche descriptive et la démarche herméneutique ou interprétative (De Ketele, 2006).


La démarche sommative est de l’ordre de la « mesure » ou de la « note », elle est à la fois la plus connue, car la plus utilisée, mais aussi la plus nébuleuse quant à ses fondements. La mesure est le processus qui consiste à assigner des nombres à des objets en fonction de règles bien établies (dont la façon d’établir des sommes). La note est le résultat de ce processus. Le professeur dit de la production qu’elle vaut 9 sur 10. Science des examens, la docimologie s’est penchée sur les processus d’établissement de la note. Il faut cependant remarquer que l’approche sommative ne se réduit pas à la fonction certificative (d’où la confusion fréquente entre certificatif et sommatif) et qu’elle peut être appliquée dans les autres fonctions.

La démarche descriptive ne se préoccupe pas d’établir une note ; elle décrit de façon précise des comportements, des performances, des difficultés, des produits, des procédures utilisées, etc. Le professeur dit de la copie qu’elle rend compte d’une bonne maîtrise de l’accord du sujet avec le verbe, mais aussi de problèmes pour les accords des participes passés. Dans l’évaluation formative, la démarche descriptive est particulièrement importante et souvent bien plus utile que la démarche sommative. Cependant, elle ne se cantonne pas à la fonction formative, car elle peut être utile pour orienter ou pour certifier. Que l’on pense aux « bulletins descriptifs » ou aux « certificats descriptifs » utilisés dans la formation professionnelle pour permettre aux parents ou aux employeurs de savoir de façon précise les compétences acquises, ce que ne permet pas la démarche sommative. L’évaluation critériée, utilisée dans l’approche par les compétences, permet de mettre en œuvre cette démarche descriptive.


La démarche herméneutique ou intuitive consiste à rassembler, de façon plus ou moins consciente et volontaire, une série d’indices et à leur donner du sens en vue de prendre une décision, soit d’orientation, soit de régulation, soit de certification, selon les cas. Cette démarche est nettement plus subjective et plus intuitive. Elle n’est pas à rejeter pour autant, d’une part parce qu’elle est de toute façon utilisée par de nombreux enseignants, et d’autre part parce que cette approche intuitive et pragmatique des enseignants se révèle souvent plus efficace que certaines approches lourdes utilisées par des experts. Néanmoins, il est évident qu’il faut gérer une telle démarche avec la plus grande prudence d’autant plus que les enseignants – comme le rappelle Crahay (2006) – accordent naturellement une grande confiance à leur jugement, à la limite de l’infaillibilité. « Plus précisément, bon nombre des enseignants interrogés semblent considérer que leurs jugements sont objectifs du fait même qu’ils sont en contact quotidien avec les enfants (p. 137) » !

Ces démarches ont chacune leurs avantages et leurs limites. C’est pourquoi il peut être intéressant de les combiner. Ainsi une démarche herméneutique peut se révéler d’autant plus efficace qu’elle s’appuie aussi sur des démarches sommatives et descriptives, surtout si les enjeux sont importants.

3. Les difficultés dans la mise en œuvre de ces évaluations


Si l’évaluation formative peut être un levier important pour la réussite, il faut s’interroger sur la manière dont elle est présentée et vécue dans la pratique. Souvent, la caractéristique essentielle présentée à l’apprenant est que « les points ne comptent pas », alors même qu’ils comptent quand même puisqu’ils apparaissent dans les carnets de notes et interviennent dans les décisions finales, ce qui est en quelque sorte une rupture du contrat didactique. Lors d’une évaluation formative, l’enseignant devrait inviter les apprenants à ne pas avoir peur de montrer les difficultés qu’ils rencontrent, puisque ce sont elles qui devraient être surmontées. Si l’apprenant est ensuite « sanctionné » par une note négative, il ne s’y laissera pas prendre deux fois. De plus, le moindre observateur se mettant en quête du diagnostic et de la thérapie aura, dans la plupart des cas, beau chercher : il risque fort de ne rien trouver ! Les enseignants déclareront parfois que la réussite ou l’échec à l’interrogation devrait permettre à l’élève de s’interroger sur la maîtrise de ses compétences et de prendre les mesures nécessaires en cas de difficulté. On voit mal cependant comment un élève en difficulté aurait les compétences nécessaires pour établir son autodiagnostic et identifier la bonne « automédicamentation », alors que l’enseignant semble incapable de le faire lui-même.
Le concept éminemment positif d’évaluation formative semble donc souvent dénaturé dans la réalité, alors même qu’il est indispensable pour la bonne conduite des apprentissages.


N’en est-il pas de même pour l’évaluation certificative ? Bien sûr, de nombreuses décisions sont prises en termes de réussite et aussi – malheureusement – de redoublement. Mais ces décisions se fondent-elles sur de vraies « preuves » ? On note, on décide de la réussite ou de l’échec, mais les évaluations réalisées permettent-elles vraiment de certifier que l’élève maîtrise ou non ce qu’il doit maîtriser ? Cette question est évidemment liée aux problèmes mis en avant par la docimologie. On sait depuis longtemps que les notes attribuées à une copie sont très variables selon les correcteurs. Les chercheurs ont même renoncé à la notion de « note vraie » tant l’établissement de celle-ci serait hasardeux. Si cette position est sage en ce qui concerne la recherche, elle interpelle quand on prend conscience que l’avenir d’un jeune est souvent lié à une réussite abusive ou à un échec abusif, en ce sens que ni l’une ni l’autre ne refléteraient les réelles compétences du jeune.

4. Compétences et ressources


La plupart des programmes scolaires dans le monde francophone sont aujourd’hui rédigés en termes de compétences. Derrière cette notion, il y a une visée fondamentale : l’école ne doit pas se contenter d’apprendre un certain nombre de savoirs et de savoir-faire, mais elle doit aussi contribuer à ce que les élèves soient à même de résoudre les situations complexes auxquelles ils s(er)ont confrontés dans leur vie scolaire, quotidienne, professionnelle…, en utilisant à bon escient tout ce qu’ils ont appris à l’école.


Quelqu’un témoigne de sa compétence quand, confronté à une situation complexe, il va faire appel aux ressources qui sont nécessaires pour résoudre cette situation. Ces ressources sont soit des ressources internes (des savoirs, des savoir-faire, des valeurs, des processus cognitifs…), soit des ressources externes (un ordinateur, une bibliothèque, une discussion…). La complexité de la situation est liée au fait qu’il n’est pas possible de la résoudre en utilisant une seule ressource, mais qu’il faut en combiner plusieurs de manière intégrée. La compétence est donc de pouvoir, en situation, analyser celle-ci, puis identifier parmi toutes les ressources disponibles celles qui sont pertinentes par rapport à la situation et les utiliser de manière interactive pour la résoudre.


Pour devenir compétent, il faut donc d’une part acquérir une multitude de ressources – ce qui en termes scolaires signifie apprendre des savoirs et des savoir-faire – et, d’autre part, apprendre à les mobiliser pour résoudre une situation. Ces deux types d’apprentissage entraîneront deux types d’évaluation scolaire :
• d’une part, l’évaluation des ressources permettra de vérifier que les différents savoirs et savoir-faire sont bien acquis par les élèves et, si nécessaire, de renforcer, voire de recommencer, leur apprentissage ;
• d’autre part, l’évaluation des compétences permettra de s’assurer que les élèves confrontés à des situations complexes sont à même d’utiliser tout ce qu’ils ont appris pour les résoudre.
L’évaluation des ressources se réalisera la plupart du temps de manière assez traditionnelle, c’est-à-dire en proposant aux élèves une série d’items (des questions, des exercices, des problèmes d’application…) où l’on pourra la plupart du temps identifier une « bonne réponse » qu’il suffira ensuite de comparer à la réponse donnée par les élèves. L’évaluation des compétences consistera par contre à proposer aux élèves une situation complexe nécessitant une production elle-même complexe pour la résoudre. Cette production sera ensuite analysée grâce à des « critères » qui permettront de donner du sens au travail réalisé, que ce soit à des fins de régulation ou de certification.

5. Critères d’évaluation


Face à une situation complexe permettant à l’élève d’exercer et de témoigner de sa compétence, il est plus que jamais nécessaire de se référer à des critères pour évaluer la qualité de la production de l’élève. En effet, cette production étant elle-même inévitablement complexe, il est impossible de dire si « la réponse est bonne ou mauvaise, est correcte ou non ». Le recours à des critères est ancré depuis longtemps dans les pratiques d’évaluation des professeurs de langue qui, face à une rédaction ou une dissertation, évaluent d’une part la « forme » et d’autre part le « fond », étant entendu qu’un élève peut maîtriser un de ces aspects tout en ayant de grandes difficultés pour l’autre, et vice-versa.


Un critère est un regard que l’évaluateur porte sur l’objet évalué, un point de vue auquel il se place pour évaluer l’objet. Le critère correspond à une qualité de cet objet. C’est sur la base des critères que l’évaluateur décidera si la compétence est maîtrisée ou non, qu’il déterminera les difficultés rencontrées par l’élève et qu’il lui proposera éventuellement une remédiation.
Les différents critères qu’on peut utiliser sont variés et leur choix dépend de ce qu’on recherche dans l’évaluation. Citons, à titre d’exemples, la pertinence (adéquation de la production à la situation), la correction (utilisation correcte des concepts et des outils de la discipline), la cohérence (utilisation d’une démarche logique, sans contradiction interne), la complétude (caractère complet de la réponse), la qualité de la présentation (aspects formels de la production), l’utilité sociale, l’intérêt ou la profondeur des propositions émises (par exemple dans l’analyse de problèmes sociaux, historiques, géopolitiques, d’environnement…), etc. (Roegiers, 2004 ; Gerard & BIEF, 2008).


Ces critères sont par nature abstraits et généraux. Pour pouvoir les évaluer, il faut déterminer des indicateurs contextualisés (ils se réfèrent à une situation précise) et concrets (on peut directement les observer). Ce sont les indicateurs qui – dans la production de l’élève – apportent de l’information sur sa maîtrise de la compétence.


Au bout du compte, l’enseignant va identifier dans la production des élèves ces différents indicateurs et déterminer, sur leur base, un niveau de maîtrise des critères. Dans le cadre d’une évaluation formative, cette opération est très importante, car elle constitue le diagnostic des difficultés de l’élève qui permettra de réaliser ensuite un travail d’approfondissement sur les critères non maîtrisés. C’est aussi à ce moment-là que les enseignants attribueront des notes en fonction du niveau de maîtrise des critères, surtout dans le cadre d’une évaluation certificative, mais aussi lors d’une évaluation formative, même si dans ce cas la note n’a pas beaucoup d’importance.

6. Conclusion


L’évaluation scolaire est un des outils les plus puissants dont disposent les enseignants pour favoriser et améliorer les apprentissages de leurs élèves. Ce processus n’est pas automatique : se contenter de faire passer un test, de le corriger et d’y attribuer une note n’aura que peu d’effets s’il n’existe pas tant en amont qu’en aval un travail d’analyse, de diagnostic et de soutien.


En amont, l’enseignant doit savoir pourquoi il évalue, sur quoi va porter l’évaluation, à quels critères et indicateurs se référera-t-il pour analyser la production de l’élève, quels types de conclusions et d’actions concrètes pourra-t-il tirer et mettre en œuvre au terme du processus… En aval, il doit organiser et réaliser les actions nécessaires et, éventuellement, mettre en place un nouveau processus d’évaluation. En optimisant tous ces éléments, la démarche sera une véritable « évaluation pour l’apprentissage », bien éloignée de la manière dont elle est trop souvent perçue par les acteurs concernés, que ce soient les enseignants et les élèves, mais aussi les parents, à savoir une « évaluation-sanction » pénalisant les élèves en difficulté, sans analyser ni surmonter celle-ci.


L’évaluation au service de la régulation des apprentissages est avant tout un état d’esprit. L’évaluation peut prendre de multiples formes, simples ou complexes, mais ce qui importe est la manière dont l’évaluateur percevra sa démarche, sa volonté d’en faire ou non un levier positif pour l’apprentissage.

Bibliographie


Crahay, M., « L’évaluation des élèves : entre mesure et jugement », G., Figari & L. Mottier Lopez, (Éds). Recherche sur l’évaluation en éducation - Problématiques, méthodologies et épistémologie. Paris, L’Harmattan, 2006, p. 132-138.
De Ketele, J.-M., « Contrôles, examens et évaluation », J. Beillerot & N. Mosconi (dir.). Traité des sciences et des pratiques de l’éducation, Paris, Dunod, 2006, p. 407-420.
Gerard, F.-M., « L’apprentissage et l’évaluation des attitudes et des savoir-être », X. Roegiers. Curricula et apprentissages au primaire et au secondaire – La Pédagogie de l’Intégration comme cadre de réflexion et d’action, Bruxelles, De Boeck, 2011, p. 146-150.
Gerard, F.-M. – BIEF, Évaluer des compétences – Guide pratique, Bruxelles, De Boeck, 2008, 2e édition 2009.
Gerard, F.-M. & Roegiers, X., « Currículo e Avaliação: ligações que nunca serão suficientemente fortes », M.P. Alves & J.-M. De Ketele. (Dir.). Do Currículo à avaliação, da avaliação ao currículo, Porto, Porto Editora, 2011, p. 143-158.
Jouquan, J., Parent, F. & Audétat, M.C. « Des analogies entre le raisonnement médical et l’évaluation formative », Revue française de linguistique appliquée, 2013, XVIII-1, 93-106.
Ministère de la Communauté française de Belgique. Socles de compétences – Enseignement fondamental et premier degré de l’Enseignement secondaire, 1999.
Paquay, L., « L’évaluation, couperet ou levier du développement des compétences professionnelles ? », C. Bosman, F.-M. Gerard & X. Roegiers (Eds). Quel avenir pour les compétences ? Bruxelles, De Boeck Université, 2000, p. 119-134.
Roegiers, X., L’école et l’évaluation. Des situations pour évaluer les compétences des élèves. Bruxelles, De Boeck, 2004, 2e édition 2010.

 


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