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NTIC et manuels scolaires : concurrence ou congruence ?

François-Marie GERARD

Références : GERARD, F.-M. (2008). NTIC et manuels scolaires : concurrence ou congruence ?, Communication à la rencontre-débat « Manuel scolaire et nouvelles technologies – Le manuel en mutation ? », Assucopie, Centre-Ferme de Profondval, 16 avril 2008.

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Il est sans doute impossible de parler aujourd’hui des manuels scolaires sans aborder la relation qui peut exister entre ceux-ci et les NTIC, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (note 1). Certains vont même jusqu’à poser la question de l’avenir des manuels face à l’expansion des NTIC, et cette rencontre-débat en est l’expression. S’il faut bien reconnaître que ces nouvelles technologies ont suscité beaucoup d’enthousiasme, du moins du côté des chercheurs et des décideurs, il faut aussi constater que leur niveau d’implantation dans les pratiques pédagogiques actuelles est relativement limité et n’est certainement pas proportionnel au rythme d’évolution de leur dimension technique. Personnellement, mes premiers contacts avec cet univers datent d’il y a 25 ans déjà. Les moyens et les produits étaient relativement limités. Il fallait jongler avec le BASIC (ou le PILOT) des Commodore, Spectrum ou autres Apple II pour développer des outils qui apportaient une réelle aide aux apprentissages des élèves, mais qui demandaient aussi aux enseignants un investissement important. Depuis cette époque, l’explosion des performances techniques des outils de base est quasi infinie. Sur le plan pédagogique, on ne compte plus les recherches, les travaux et les programmes visant leur promotion à force de financements importants. À observer cette dynamique, on peut se demander si la promotion des NTIC n’est pas devenue parfois un objectif en elle-même : une initiative pédagogique n’aurait de sens que parce qu’elle utiliserait des NTIC ou formerait à leur usage. Mais sur le terrain, à part bien sûr quelques exceptions, l’usage des NTIC est relativement modéré, comme ont d’ailleurs pu le constater certains éditeurs qui – après avoir consenti des investissements importants – ont constaté que la sauce ne prenait pas tout à fait auprès des enseignants. Il y a sans doute plusieurs raisons à cet état de fait, mais on peut penser que certains ont trop rapidement cru que ces technologies pouvaient se substituer aux enseignants et/ou aux supports didactiques classiques, notamment les manuels scolaires. Au moment où ceux-ci bénéficient enfin de mesures politiques et pédagogiques tendant à les revaloriser, il est sans doute plus porteur de réfléchir en termes de congruence entre les manuels scolaires et les NTIC, plutôt qu’en termes de concurrence.

On ne peut cependant pas nier que les NTIC offrent des avantages évidents par rapport aux manuels scolaires (note 2)  :

  • le manuel scolaire, même très ouvert (note 3 ), est un outil relativement figé : il offre des possibilités limitées d’adaptation par les enseignants au contexte d’utilisation, à la spécificité des élèves, etc. Les NTIC, tant de par leur nature elle-même qu’eu égard à la variété des utilisations qu’elles permettent, offrent à ce niveau une puissance incomparable ;
  • le temps d’adaptation d’un manuel, lié tant à la nécessité économique d’une certaine échelle de production qu’au cycle « adaptation-agrément-distribution-stockage », fait que des manuels sont souvent « dépassés » : l’actualité modifie le monde, les sciences n’arrêtent pas d’apporter de nouvelles connaissances… Un CD-Rom permet plus facilement cette adaptation (note 4), parce qu’il suffit d’ajouter ou de modifier certaines parties, le coût de transfert sur le support étant très réduit. Il en est de même pour Internet : un site peut être actualisé de jour en jour, voire d’heure en heure, sans entraîner d’autres frais que ceux liés à la maintenance. En réalité, cette « économie » n’est qu’un report des coûts sur l’utilisateur final : la plupart du temps, celui-ci imprimera l’information qui lui est nécessaire, assumant lui-même le coût de cette impression ;
  • le nombre d’informations contenues dans un manuel est nécessairement limité. Cette limitation se fait en fonction du choix des auteurs, et non pas du choix des utilisateurs. Les exigences actuelles en matière de mise en page, d’illustrations, etc. limitent d’ailleurs aussi la quantité d’informations pouvant figurer dans un manuel. Cet « élagage » des contenus n’est pas nécessairement un défaut, car il permet de se concentrer sur l’essentiel et de mettre l’accent sur le développement de compétences plutôt que sur l’acquisition de connaissances. Mais la limitation du volume d’informations entraîne d’une part certaines déformations de celles-ci (par exemple dans des manuels d’histoire), et d’autre part ne permet pas aux enseignants et aux élèves de dégager eux-mêmes ce qui est vraiment important, ce qui répond à leurs préoccupations. Si d’un point de vue technique, la limitation du volume d’informations est a priori moindre en ce qui concerne les NTIC, elle est sans doute de même niveau d’un point de vue pédagogique, du moins en ce qui concerne les outils conçus, selon la typologie de Lebrun (2002), sur le mode réactif, c’est-à-dire la situation pédagogique où c’est l’ordinateur qui a l’initiative en tant que source du savoir et où l’élève « répond » à ses questions ou sollicitations ;
    de par leur nature et leur structure relativement figée, la plupart des manuels scolaires s’inscrivent plutôt dans une logique d’enseignement que d’apprentissage. Même si le manuel peut être défini comme étant un outil imprimé structuré en vue de favoriser l’apprentissage (Gerard & Roegiers, 2003), on constate que la plupart des manuels offrent surtout à l’enseignant des outils pour l’aider dans sa démarche d’enseignement, selon une didactique privilégiée par les auteurs. Peu de manuels sont conçus pour fournir à l’élève un matériel certes structuré mais devant avant tout permettre à l’élève de construire son apprentissage, de se laisser guider par celui-ci et non par la démarche proposée par le manuel. Les outils multimédias offrent à ce niveau des possibilités nouvelles, parce qu’ils permettent une plus grande interactivité entre un matériel brut (mais qui peut être structuré) et le cheminement et/ou les besoins de l’apprenant. Les NTIC — inscrites alors dans le mode proactif dans lequel l’apprenant a le plus souvent l’initiative face à un ordinateur qui répond à ses sollicitations — pourraient donc s’inscrire davantage dans une logique d’apprentissage que d’enseignement. C’est un avantage important dans une perspective constructiviste de l’apprentissage, mais cela peut bien sûr déstabiliser les enseignants dans la mesure où ils perdent une certaine maîtrise du cheminement de leurs élèves. Il y a là une évolution qui semble inéluctable et qui conduit à une réduction de la transposition didactique, par un accès direct à l’information, là où elle est, là où elle se crée. Rousseau (1762) et Freinet (1928) suggéraient qu’on laisse les enfants apprendre au contact du monde lui-même. Internet permettrait-il la réalisation de cette utopie ? N’est-ce pas l’espoir que les nouveaux médias redonnent du sens aux apprentissages ?
  • les NTIC offrent des possibilités importantes d’apprentissage « en réseau ». Au lieu d’être confronté à son seul manuel et aux seuls élèves/enseignants de sa classe, l’apprenant peut, grâce aux NTIC inscrites alors dans les modes mutuel et interpersonnel, entrer en contact avec de nombreux autres apprenants. Des démarches d’apprentissage par réseau, orientées autour de projets communs, sont ainsi développées. Ces réseaux enrichissent les possibilités de conflits sociocognitifs (note 5) et d’apprentissage coopératif (note 6). Ils contribuent à un accès dynamique, fonctionnel et interactif au savoir. Par exemple, des classes d’élèves de 10 à 12 ans d’une douzaine de pays ont uni leurs efforts pour effectuer une enquête sur les habitudes télévisuelles d’environ 4000 jeunes de leur âge. Ils ont observé leurs propres pratiques, compilé les résultats et les ont analysés, notamment en différenciant filles et garçons. Le courrier électronique a permis la compilation et la diffusion des informations ainsi recueillies. Le réseau ainsi créé a permis aux enfants non seulement d’accéder à une vaste information, mais aussi à rechercher des solutions à de vrais problèmes en posant et en affinant leurs questions, en débattant des idées, en formulant des hypothèses, en réunissant de l’information, en recueillant et en analysant des données, en tirant des conclusions et en communiquant leurs idées et leurs résultats à d’autres (note 7). Aujourd’hui, les plates-formes d’eLearning offrent d’ailleurs la plupart du temps plusieurs outils de travail collaboratif (note 8).

On le voit, l’utilisation des NTIC dans le domaine des apprentissages offre de nombreux avantages par rapport à l’utilisation des manuels scolaires. Cependant, les manuels scolaires ont encore un bel avenir devant eux, et cela pour diverses raisons :

  • d’abord, pour des raisons strictement matérielles et économiques. Même si les prix ont fortement diminué, le matériel nécessaire coûte cher. Pour atteindre une véritable implantation, il semble aujourd’hui qu’il est nécessaire de disposer d’un matériel au sein même de chaque salle de cours, comme c’est le cas dans de nombreuses écoles en Flandre, et non pas au sein de « laboratoires informatiques » qui ne sont accessibles qu’à certains moments et pour certains élèves. Cela signifie qu’il est nécessaire de multiplier le matériel, entraînant un investissement important dont le retour n’est pas garanti ;
  • ensuite, et peut-être plus fondamentalement, pour des raisons pédagogiques, en référence aux trois éléments constitutifs du triangle didactique : le savoir, l’apprenant et l’enseignant. Les NTIC apportent des possibilités puissantes pour accroître et optimaliser le rapport que l’apprenant entretient avec le savoir. Et on ne peut qu’apprécier à sa juste valeur la plus grande ouverture des NTIC vers une logique d’apprentissage, entretenue par les nombreuses interactions avec le savoir d’une part et avec d’autres apprenants d’autre part, que vers une logique d’enseignement. Mais cet accès direct au savoir peut-il faire l’économie de la relation directe avec l’enseignant, en tant que personne ? On peut en douter : la relation didactique restera toujours une composante essentielle de l’apprentissage. À cet égard, il semble que le manuel scolaire, de par sa souplesse d’utilisation en situation, offre une plus grande potentialité que les outils multimédias.

Chaque outil a ses avantages et ses inconvénients. Si on envisage les relations entre NTIC et manuels scolaires en termes de congruence, il est intéressant d’identifier les apports spécifiques de l’utilisation des outils multimédias, en organisant la réflexion à partir des fonctions que peuvent remplir les manuels scolaires (Gerard & Roegiers, 2003), en interaction avec les NTIC.

1.       Manuels scolaires, NTIC et transmission de connaissances 

L’apport essentiel des NTIC, inscrites alors dans les modes réactif et/ou proactif, réside à ce niveau dans l’étendue du champ des connaissances qui peuvent être approchées, ainsi que dans leurs possibilités d’actualisation. Cependant, il existe un risque de dispersion de l’apprentissage. Le manuel scolaire devrait donc être l’outil qui guide et oriente l’accès à une information plus large, afin de s’assurer que l’accent est mis sur l’essentiel. Notons aussi que les possibilités de contrôle de l’information à laquelle l’apprenant a accès sont plus réduites dans un environnement multimédia. Cela n’est pas nécessairement une contrainte, bien au contraire, mais peut créer des difficultés dans certains contextes.

2.       Manuels scolaires, NTIC et développement de capacités et de compétences

Inscrites dans les modes mutuel et/ou interpersonnel, les NTIC offrent des possibilités importantes d’interaction tant avec le savoir qu’avec d’autres apprenants ainsi que d’organisation didactique orientée vers une logique d’apprentissage plutôt que d’enseignement. Ces caractéristiques devraient permettre de favoriser de manière importante le développement de capacités et de compétences, pour autant que le travail avec les outils multimédias s’inscrive dans de réelles situations d’apprentissage, en rapport avec les besoins de l’apprenant.

Y a-t-il des compétences spécifiques liées aux NTIC ? Il y a certainement des compétences nouvelles, liées aux techniques mises en œuvre : gestion rationnelle d’objets dans un système d’exploitation, utilisation des fonctionnalités des logiciels généraux (traitements de texte, tableurs, logiciels de présentation…), utilisation des outils de recherche avancée sur le web, exploitation correcte des documents trouvés (« copier-coller » du web vers des documents personnels, construction de pages web...), etc. (note 9) À côté de cela, les NTIC nécessitent – sans pour autant les développer – la mobilisation d’anciennes compétences : des méta-compétences de haut niveau (réflexif global), exigées auparavant de personnels très qualifiés et demandées maintenant à tous les utilisateurs des TIC (note 10). Finalement, ce que nécessite le plus le recours aux TIC est peut-être de l’ordre des compétences de critique historique, de prise de recul. Celles-ci sont la plupart du temps mises à rude épreuve : une information acquiert très rapidement un statut de vérité parce qu’elle a été « lue sur le net ». Il suffit de voir à quelle rapidité des fausses nouvelles (des « hoax », notamment sur l’existence de faux virus) sont diffusées par l’intermédiaire du courrier électronique, parfois avec la complicité inconsciente de scientifiques qui, dans un autre contexte, garderaient un esprit critique beaucoup plus développé.

3.       Manuels scolaires, NTIC et consolidation des acquis

Les possibilités offertes par l’outil informatique en matière de consolidation des acquis sont multiples, et relativement anciennes. En effet, bien avant l’apparition du multimédia, les chercheurs et pédagogues se sont rendu compte, dès le début des années 1980, de l’intérêt de l’ordinateur pour optimiser certaines tâches d’exercices, en offrant d’une part des possibilités de génération automatique d’items variés correspondant à un objectif précis et d’autre part la faculté d’une correction immédiate débouchant sur un feedback précis permettant à l’apprenant de corriger ses erreurs et d’améliorer ses performances. De nombreux logiciels ont ainsi été élaborés sur le mode réactif, dans des domaines aussi variés que les mathématiques, les langues (1re et 2e langues), les sciences, l’histoire, etc.

On relèvera aussi la possibilité de mettre sur CD-Rom de nombreux exercices pour que l’enseignant puisse venir « faire son marché » en choisissant les exercices qui sont le plus appropriés à ses élèves et/ou à ses objectifs.

4.       Manuels scolaires, NTIC et évaluation des acquis

Dans le prolongement de la fonction précédente, de nombreux travaux ont été réalisés, dès la fin des années 1980, pour développer des outils d’aide à l’évaluation des acquis grâce à l’ordinateur. L’intérêt de ces travaux est d’une part la possibilité d’« objectiver » les procédures d’évaluation certificative dans la mesure où celles-ci peuvent être entièrement gérées et maîtrisées par l’ordinateur, mais aussi et sans doute surtout d’optimiser l’évaluation formative, en permettant de réaliser celle-ci en temps réel, c’est-à-dire en cours d’apprentissage en confiant à l’ordinateur la tâche de diagnostic relatif au travail de l’étudiant ainsi que celle de proposer une remédiation appropriée aux difficultés rencontrées (note 11). Les possibilités techniques, liées notamment aux travaux sur l’intelligence artificielle, ont fortement évolué à cet égard, mais les outils créés semblent à l’heure actuelle relativement confinés au monde des chercheurs, sans réellement d’impact sur les pratiques quotidiennes d’évaluation en situation réelle (note 12).

5.       Manuels scolaires, NTIC et aide à l’intégration des acquis

Certains outils multimédias, notamment des logiciels de modélisation ou de simulation, confrontent l’élève à des situations complexes qu’il serait amené à résoudre, en analysant la situation, en émettant des hypothèses, en recherchant des informations pour tester ses hypothèses, en tirant des conclusions et en les communiquant. Les possibilités d’accès multiple à de nombreuses informations offrent un champ propice à l’intégration des acquis, pour autant que l’élève parvienne à structurer les informations, à les organiser et à les intégrer au bénéfice de son apprentissage. Cependant, les mêmes outils risquent au contraire de nuire à l’intégration des acquis, en favorisant plutôt une mosaïque d’apprentissages. Dans un environnement multimédia, le sujet a souvent tendance à se laisser guider par ses intérêts immédiats, par les questions qui émergent et qui trouvent une réponse facile. Par exemple, la personne se laisse attirer par un lien hypertexte qui semble intéressant. Ce lien entraîne la personne vers d’autres découvertes, d’autres liens, et finalement la question de départ s’estompe au profit d’un cheminement libre. Toute la difficulté des outils multimédias est donc de concentrer l’apprentissage sur une situation spécifique, et de chercher à résoudre celle-ci en sélectionnant les informations nécessaires, sans se laisser distraire par les nombreuses portes qui s’ouvrent. Il est évident que ces nombreuses portes sont intéressantes, mais elles ne sont pas nécessairement propices à une structuration et une intégration des acquis.

6.       Manuels scolaires, NTIC et référence

De toute évidence, il s’agit là d’une des plus grandes forces des NTIC qui peuvent offrir un accès quasiment illimité et immédiat à une information d’une étendue universelle. La difficulté est de pouvoir gérer cette information tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Sur ce dernier plan, relevons par exemple qu’un moteur de recherche sur Internet réfère à un peu moins de 466 000 entrées relatives aux « manuels scolaires » et à 3 500 000 entrées (limitées aux pages francophones) à propos des « NTIC » (note 13). Devant cette multiplication de l’information, comment faire pour savoir quelles informations sont pertinentes pour le sujet par rapport auquel on cherche des références ? Comment d’autre part estimer le crédit que l’on peut accorder à l’information dont personne ne contrôle ni la validité ni la mise à disposition ? Dans quelle mesure une information plus limitée mais validée n’est-elle pas parfois préférable, à moins bien sûr que les apprenants ne soient eux-mêmes dotés de l’esprit critique indispensable ? Celui-ci doit s’acquérir progressivement, et ce n’est pas nécessairement en étant confronté à une information prolifique que l’apprenant y parviendra de manière performante.

7.       Manuels scolaires, NTIC et éducation sociale et culturelle

Comme n’importe quel support, les outils multimédias sont porteurs de certaines valeurs susceptibles d’influencer les utilisateurs. La difficulté, et singulièrement pour Internet, est le manque de contrôle des valeurs ainsi diffusées. Il suffit de penser à la facilité d’accès à des sites révisionnistes, pornographiques, etc. L’éducation sociale et culturelle qu’un enfant peut ainsi recevoir à partir d’Internet est une éducation « sauvage », ni orientée, ni contrôlée, ni cohérente. De par sa nature, l’information électronique est virtuelle. Du jour au lendemain, l’auteur d’une page web peut modifier radicalement le message véhiculé. Il ne faut pas oublier que n’importe qui peut publier n’importe quoi sur Internet. De plus, l’auteur a la possibilité d’incorporer des liens qui mènent instantanément à d’autres sites dont le contenu est souvent contestable. Enfin, mentionnons le caractère de plus en plus commercial d’Internet (publicité à même les pages, cueillette de renseignements personnels pour fins de mise en marché, etc.).

La nécessité d’une formation des utilisateurs à la prise de recul et à l’esprit critique est à nouveau essentielle. L’enjeu est important, mais a-t-on vraiment les moyens de développer une telle formation devant la force d’impact des images et idées accessibles en ligne ?

 

En conclusion, il convient de constater que l’introduction des NTIC dans le processus enseignement-apprentissage constitue encore actuellement un élément perturbateur dans la mesure où elle crée une zone d’incertitude pour les enseignants et pour les apprenants, ce qui les entraîne dans un processus de risque et d’exploration pour quelque temps (note 14). Il est sans doute encore trop tôt pour savoir si cette zone d’incertitude pourra être dépassée et permettre aux NTIC d’apporter toutes les richesses qu’on veut bien leur accorder. Il nous semble que c’est par une interaction et une complémentarité entre manuels scolaires et outils multimédias que l’on sera à même de tirer pleinement profit de chaque support.

L’utilisation des NTIC dans l’univers pédagogique devrait permettre de faire évoluer le processus d’enseignement-apprentissage, au niveau de quatre de ses éléments-clés : l’enseignant, le contenu, le ou les apprenants (note 15) et le contexte (note 16). Chacun de ces éléments peut être considéré comme un continuum, dont les extrémités correspondent grosso modo d’un côté au modèle pédagogique transmissif et d’un autre côté au modèle constructiviste, et qui présente les caractéristiques suivantes :

 

Modèle transmissif

Modèle constructiviste

Enseignant

Transmetteur

Facilitateur

Contenu

Préorganisé

Construit

Apprenant(s)

Accès sélectif à l’information

Accès ouvert à l’information

Contexte

Aide limitée

Aide soutenue

Les extrémités de chaque continuum définissent deux modèles opposés d’utilisation des supports pédagogiques. Aujourd’hui encore, de nombreuses classes tendent vers l’extrémité gauche de chaque continuum :

  • l’enseignant transmet des connaissances plus qu’il ne facilite l’apprentissage ;
  • le contenu est organisé à l’avance par l’enseignant ou fixé dans un manuel scolaire (ou un CD-Rom) plutôt que construit par l’apprenant ;
  • les apprenants ont assez peu accès à des ressources et à des outils en ligne ;
  • le contexte se prête assez peu, pour l’enseignant et sa classe, à de nouvelles initiatives et à l’emploi de nouvelles ressources.

À l’inverse, les travaux de recherche qui portent sur les effets des technologies en ligne tendent à mettre en exergue l’extrémité inverse de chaque continuum, perçue comme souhaitable :

  • l’enseignant facilite avant tout l’apprentissage de l’étudiant ;
  • le contenu du curriculum est construit par les apprenants ;
  • ces derniers ont librement accès à des ressources en ligne ;
  • le contexte est favorable à l’utilisation et à l’expansion des ressources.

Pour que ce modèle dépasse le champ de la recherche et s’inscrive dans celui de la pratique pédagogique, il convient d’offrir aux acteurs éducatifs — les enseignants comme les apprenants — des outils performants et structurés, qui permettent à la fois une construction par l’apprenant de son apprentissage, avec l’aide de l’enseignant en tant que garant de la progression pédagogique. Plus que de savoir si un outil – ou un modèle pédagogique – peuvent remplacer un autre, c’est là le véritable défi qui se pose aux concepteurs et aux utilisateurs tant des manuels scolaires que des NTIC.


(1)       Ou encore les TICE : Technologies de l’information et de la communication en éducation. Retour

(2)       D’après Gerard, F.-M. & Roegiers, X. (2003). Des manuels scolaires pour apprendre — Concevoir, évaluer, utiliser, Bruxelles : De Boeck Université, pp. 107-117. Retour

(3)       Voir notamment Gerard, F.-M. (2005). Le défi de l’auteur de manuel scolaire d’aujourd’hui, Communication à la rencontre-débat des auteurs de manuels scolaires « Le défi du manuel scolaire : parole aux auteurs »,  Assucopie, Centre La Marlagne, 4 mai 2005. Retour

(4)       Même si, depuis l’avènement du traitement de textes et des logiciels de mise en page, la mise à jour des livres est grandement facilitée, il reste le poids économique de la gestion des stocks. Retour

(5)       Mugny, G. & Carugati, F. (1991), Théorie du conflit sociocognitif, in Mugny, G., Psychologie sociale du développement cognitif, Berne : Peter Lang. Retour

(6)       Bourgeois, É. & Nizet, J. (1997), Apprentissage et formation des adultes, Paris : PUF. Retour

(7)       Grégoire, R. & Laferrière, T. (1998, 2001), Apprendre ensemble par projet avec l’ordinateur en réseau - Guide à l’intention des enseignants et des enseignantes, Réseau scolaire canadien (RESCOL), Accessible en ligne). Retour

(8)       Henri, F. & Lundgren-Cayrol, K. (2001). Apprentissage collaboratif à distance. Québec : PUQ.
Lebrun, M. (2008), Dans l’eLearning, ce n’est pas le « e » qui compte le plus, ?, Communication à la rencontre-débat « Manuel scolaire et nouvelles technologies – Le manuel en mutation ? », Assucopie, Centre-Ferme de Profondval, 16 avril 2008.
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(9)       Lévy, J.F. (2000), « État de l’art » sur la notion de compétence, Texte introductif du séminaire Usages éducatifs des technologies de l’information et de la communication : quelles nouvelles compétences pour les enseignants ? (26 et 27 juin 2000). Montrouge : INRP. Retour

(10)      Belisle, C. & Linard, M. (1996), Quelles nouvelles compétences des acteurs de la formation dans le contexte des TIC ? Éducation permanente, n°127 Technologies et approches nouvelles en formation, pp. 19-48. Retour

(11)       D'Hainaut, L., Dillenbourg, P., Depover, C., Debled, C., Gerard, F.-M. & Honorè, G. (1988), Possibilités et modalités d'exploitation de l'ordinateur pour la remédiation pédagogique, Université de l'État à Mons - Unité de technologie de l'Éducation. Retour

(12)       Voir notamment Martin, R., Latour, T., Busana, G., Jadoul, R., Keller, U., Plichart, P., et al. (2007). TAO: architecture and use cases of a collaborative, internet-based platform for computer-assisted testing. Paper presented at the 12th Biennial Conference for Research on Learning and Instruction, Budapest, Hungary, August 28 - September 1. Retour

(13)      En 2003, le nombre de références n’était respectivement « que » de 20 000 et 77 000 entrées. Retour

(14)      Laferrière, T., Bracewell, R. & Breuleux, A. (2001), La contribution naissante des ressources et des outils en réseau à l’apprentissage et à l’enseignement dans les classes du primaire et du secondaire, Rescol/SchoolNet, TeleLearning Network Inc., accessible en ligne. Retour

(15)       Ces trois premiers éléments constituent le triangle didactique classique. Retour

(16)       Laferrière, T., Bracewell, R. & Breuleux, A. (2001), ibid. Retour


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