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Gratte, le village de la vie


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Gratte est un village ardéchois, situé à flanc de colline, à une dizaine de kilomètres des Vans.

Abandonné par ses habitants pour manque d'eau, il a été racheté en 1969 (je préfère ne pas préciser par qui !).

Le projet est né de le restaurer - c'était l'époque des chantiers de jeunes -, mais avec une spécificité : les séjours accueilleraient environ un tiers de handicapés mentaux jeunes ou adultes.

Le travail démarra ainsi en juillet 1969, alors qu'Armstrong (Neill) était le premier homme à marcher sur la Lune, que Merckx (Eddy) gagnait son premier Tour de France, et que tous les jeunes rêvaient au son de Daydream des Wallace Collection.

J'y étais, avec mes 15 ans et le Poste Pionnier du Rosaire. Pour moi, dès les premières minutes, ce fut un choc qui eut une importance considérable dans ma vie. Tout simplement parce que j'y découvrais la vie...

À partir de 1969 jusqu'en 1983, j'ai été chaque année à Gratte, la plupart du temps pendant deux semaines, mais parfois pour un mois ou plus, et parfois aussi plusieurs fois par an. Au total, j'ai bien dû passer au moins un an de ma vie à Gratte, durant des séjours d'été mais aussi du temps de la "Communauté de vie". Et c'est la dernière chose que je regrette.

J'ai tout appris dans ce village : à bricoler, à vivre en communauté, à aimer, à vaincre mes peurs, à dominer mes émotions, à partager par la parole, par l'action, par les yeux, par le corps, par la musique, à boire, à prendre mes responsabilités, à les partager, à rire, à aller au bout d'un travail ou d'un plaisir, d'un délire ou d'un échange, à vivre...

Je crois que pour comprendre Gratte, il faut comprendre la pierre. Elle ne peut pas tricher. Pour monter un mur, un escalier, une voûte, il faut tout donner et accepter d'être au service de la pierre. Elle donne toute sa vérité, et on ne peut que la lui rendre.

À Gratte, j'ai côtoyé- plus souvent qu'à son tour - la vérité. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait que la vérité. Mais elle était souvent là, dans la pierre, mais aussi dans le regard de l'autre - handicapé ou non -, dans son sourire, dans son délire, dans son geste.

Gratte, c'est le bonheur d'exister.


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C'est à Gratte que j'ai rencontré, (re)découvert et aimé Jean, Pierre, Étienne, Annick, Françoise, Chantal, Marc, Dries, Nadine, Geertruid, Annet, Paul, Robert, Isabelle, Iris, Anne, Christiane, Danielle, Jean-François, Jean-Claude, Claire, Xavier, Brigitte, Martine, Micheline, Margot, Luc, Joëlle, Jean-Paul, Antoine, Philippe, Astrid, Jenny, Edwige, Paul, Guillaume, Olivier, Cathy, Brigitte, Hubert, Dirk, Anny, bien d'autres encore, sans oublier bien sûr Philippe, Xavier, Alix, Bénédicte, Pierre, Vincent, Marie-Jo, Danielle, Geneviève,... ces personnes merveilleuses que la société a classé dans la rubrique "handicapé mental" ou "malade mental" ou "autiste"... Sans eux tous, je ne serais pas ce que je suis.

Il est impossible de parler de tous ces moments sublimes que j'ai vécus là-bas. J'ai profondément conscience de la chance immense que j'ai eue. Rien de tel pour vivre sa jeunesse.

Gratte, ce fut aussi l'asbl et les activités en Belgique. L'aménagement du 275 chaussée de Vleurgat, les soirées "maisons de jeunes", avec Étienne omniprésent, puis la permanence avec Luc et Paul. Les retrouvailles après l'été, avec notamment le duo monté avec Robert, juste avant le spectacle de Dick Annegarn, ami de Gratte et qui commençait à faire entendre "Bruxelles" dans les radios. J'avais d'ailleurs chanté avec lui, pendant l'été, un mémorable "Le plat pays" du haut des marches de l'église de Thines, ce village artisanal perdu dans la montagne à quelques kilomètres de Gratte. Ce fut encore la Communauté de la Montagne Saint-Job qui m'accueillit pendant quelques mois, en 1977, à un moment particulièrement difficile de ma vie.

En 1983, les temps avaient déjà changé et ce n'était plus tout à fait la même chose. D'autres séjours eurent certainement lieu à Gratte, mais quand j'y suis revenu en 1995, de passage avec ma famille, ce fut un nouveau choc, mais cette fois sinistre. Le village était tout à fait abandonné, avait été visiblement squatté sans grand respect, et tout se déglinguait. J'avoue qu'en voyant cela, je ne savais plus trop où était la "vérité". J'avais surtout l'impression de m'être fait avoir. Avoir travaillé tant d'heures, sans compter mon énergie, pour en arriver là...


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Depuis lors, il semble que le village a été revendu à une époque à des médecins marseillais (je suppose avec un bon bénéfice au passage). Au jour d'aujourd'hui (janvier 2016), il semble qu'il ait été racheté par une société lyonnaise qui l'a rénové pour en faire un village de gîtes. Comme la photo prise depuis Chalvêche le montre, cette rénovation semble plutôt réussie, même si elle est peut-être un peu trop "parfaite". J'espère et j'imagine que je verrai cela un jour, quand mon chemin repassera par là.

Mais quoi qu'il en soit, au-delà du village lui-même, ce qui ne disparaîtra jamais, c'est tout ce que j'y ai vécu. Quel bonheur !

 

 

Pour être complet, je me dois de dire que l'esprit de Gratte continue à vivre au sein de l'asbl Gratte. Je n'en sais pas beaucoup plus, mais je leur souhaite de vivre des activités aussi passionnantes que ce que j'ai pu vivre !

 


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