|  Images
  Mots
  Vie
 |  
        Une 
          jeunesse en mouvements  
          Je crois qu'une des choses les plus importantes qui m'est arrivée 
          durant ma jeunesse, c'est ma participation à des mouvements de 
          jeunesse, essentiellement les "scouts". J'y ai vécu 
          des tas de moments qu'on peut difficilement vivre ailleurs. Bien sûr, 
          si j'avais été ailleurs, j'aurais vécu d'autres 
          choses, peut-être encore plus extraordinaires. Mais en attendant, 
          c'est là que je me suis fait. Pleinement et fondamentalement. 
           
            | J'ai 
                bien sûr commencé par les louveteaux, en 1961, dans 
                la Meute B de la Fleur Rouge, à la 16e FSC du Rosaire. 
                Et dès le départ, j'y ai rencontré deux personnes 
                qui m'ont profondément marqué : mes deux premières 
                Akéla, Béatrice Regnier et Marie-Claude Walckiers. 
                Je garde peu de souvenir de la première, auprès 
                de qui je fais ma promesse sur la photo prise à mon premier 
                camp, à Ster, mais c'était un grand format (dans 
                tous les sens du terme). Elle devint religieuse, est décédée... et c'est tout 
                ce que j'en sais.  La 
                deuxième, Rikki (la mangouste du livre de la Jungle), fut 
                la première femme de ma vie ! Sur la photo, elle est à 
                la droite de l'abbé Gryson (alors jeune abbé avant 
                de devenir théologien intellectualisant). Je crois que 
                j'en suis tombé directement amoureux (de Rikki, pas de 
                l'abbé Gryson !). C'est elle qui m'a appris mes premiers 
                accords de guitare. J'avais une relation très intime avec 
                elle - enfin, j'en étais du moins persuadé -, et 
                j'étais très fier quand elle venait me chercher 
                à la maison dans sa petite Mini (la voiture, pas la jupe 
                !). Je vécus avec elle mon deuxième camp, à 
                Cens, et sans doute mon troisième, à Humain. Je 
                fus à un certain moment totemisé : Groseille 
                narquoise !  |  |  
           
            |  | Je 
                devins bien sûr sizenier des Bruns, en même temps 
                que Benoît Cambier, Jean-Paul Swaelus  et Mathieu Van der Hoeden. 
                Lors d'un WE de meute, je fis une rencontre bouleversante : une 
                petite fille sublime, de 10-11 ans, que nous apercevions de loin, 
                mais qui nous avait quand même appris son nom, Sarina. Elle 
                devint quelques années plus tard l'égérie 
                de mon premier recueil de poésie publié, Troubles. Je 
                me souviens avoir vécu une profonde injustice : à 
                mon dernier camp, à Falaen, nous faisions des tanières. 
                La sizaine des Gris, avec Jean-Paul Swaelus, avait voulu faire 
                une tanière surélevée. Mais après 
                quelques jours, tout s'était effondré. Jean-Paul 
                était découragé et voulait tout abandonner. 
                J'ai proposé à ma sizaine d'aller lui donner un 
                coup de mains, ce que nous avons fait sans hésiter. À 
                la fin du camp, Akéla (ce n'était plus Rikki mais 
                Baloo) nous dit qu'elles avaient beaucoup hésité 
                pour désigner la sizaine (ou le sizenier) à l'honneur 
                : les Bruns ou les Gris ? Et ce furent les Gris qui l'emportèrent 
                pour le courage qu'ils avaient montré lors de la chute 
                de leur tanière !!! Courage, mon il, oui ! J'étais 
                révolté... mais sans que cela ne serve à 
                quoi que ce soit ! |  En 
          1965, j'entrai donc chez les scouts, dans la Troupe A, avec Pierre Saffre 
          comme chef de troupe et Paul Gauthy comme CP. De notre camp, à 
          Rouge-Thiers, je garde en mémoire d'une part le spectacle que 
          nous avions monté pour les villageois, avec notamment Mandrin, 
          et d'autre part un trek de survie dans les Fagnes, avec de bons 
          et de moins bons souvenirs. Nous avions reçu une poule vivante 
          pour survivre : le SP lui tordit le cou, et elle s'enfuit alors sans 
          tête, mais avec encore des pas pleins de vigueur ! Lorsque nous 
          l'ouvrîmes plus tard pour la nettoyer, dans une cabane de bûcherons, 
          nous découvrîmes un chapelet d'ufs avec lequel nous 
          fîmes une omelette délicieuse ! Un soir, nous décidâmes 
          de préparer notre repas : grosse récolte de myrtilles. 
          Soudain, panique : les chefs arrivaient, mais ne pouvaient à 
          aucun prix nous trouver. Dispersion de la patrouille : ils ne nous trouvèrent 
          pas, mais le prix à payer fut que les chefs avaient bouffé 
          toutes nos myrtilles ! Je vécus cela comme une nouvelle injustice 
          fondamentale. Je 
          fus aussi et à nouveau totemisé : Roitelet industrieux. 
          Avec bien sûr l'obligation de faire une stupide épreuve 
          : m'en aller seul cuire mon repas (10 spaghettis) avec 2 allumettes... 
          Après avoir usé celles-ci sans résultat, je suis allĂ©r
          demander de l'aide dans une ferme. J'y ai cuit mes 10 spaghettis, 
          mais c.. que j'étais, j'ai refusé de manger le vrai repas 
          que l'on me proposait, simplement pour respecter la règle du 
          jeu. Comment peut-on être aussi bête ?! L'année 
          suivante sentait la fin d'une époque : l'Unité jusque 
          là "unitaire" (c'est-à-dire avec des scouts 
          de 12 à 17 ans dans la même troupe) avait choisi, sous 
          l'impulsion d'Alain Tihon, le système "éclaireurs-pionniers". 
          Ce fut une année de transition. Notre camp consista en une descente 
          de rivière, la Semois, sur radeaux. J'y perdis bêtement 
          mes lunettes ! Puis nous rejoignîmes la Troupe B, à Hautes-Rivières, 
          en France, pour préparer la fusion-séparation. Cela permit 
          aux 4 frères Gerard de se retrouver ensemble dans le même 
          camp, pour la seule et unique fois. En 
          1967, je me retrouvai CP chez les Éclaireurs, avec Yves Jacques 
          comme chef de troupe. Ce gars était vraiment exceptionnel et 
          j'ai vécu une année inoubliable. Je me sentais très 
          responsable de ma patrouille... un peu trop sans doute. À la 
          fin de notre camp, à Lesse, Yves me déclara quelque chose 
          que je n'oublierai jamais : "Tu es un gars de principes... C'est 
          bien, mais tu te laisses trop guider par tes principes...". Je 
          crois qu'il avait bien raison. 
           
            |  | Et 
                en 1968, je devins pionnier, avec quelques moments inoubliables. 
                D'abord, le Trek -13, 4 jours dans les Fagnes dans la neige 
                et le froid. Puis, bien sûr, mon premier séjour à 
                Gratte. L'année suivante, le 
                camp aux Voirons, avec Étienne 
                comme chef de poste. Avec un des sommets de ma vie spirituelle 
                : une messe d'enfer au sommet du Roc d'Enfer, avec Philippe De 
                Dorlodot. De 
                bons souvenirs, mais aussi comme une impression de gâchis... 
                Ne perdions-nous pas beaucoup de temps dans de vaines broutilles 
                d'adolescents ? Mais c'était sans doute à cause 
                de mes principes. |  |  
           
            |  | En 
                1970, j'entre dans le staff éclaireur, avec comme grand 
                chef Jacques Boland - camps à Givroulle et Bonnerue - puis 
                Dominique Van Vyve - camp sous la pluie à Moinet. Pleins 
                de moments intenses avant de devenir moi-même grand chef 
                en 1973. J'avais suivi un "Training Gilwell" de formation 
                basé sur la "pédagogie du projet". Mon 
                objectif fut dès lors de rendre les éclaireurs "autonomes" 
                par la réalisation de leurs projets. Idée généreuse 
                mais transformée en principe immuable, et il faut bien 
                reconnaître que je me suis planté ! Cela ne menait 
                nulle part.Heureusement, le camp à Ligneuville s'est très bien 
                passé. Mais il y avait un vizir, mon assistant Laurent 
                Cambier, qui voulait prendre la place du calife. Pour ne pas créer 
                une situation difficile, j'ai préféré jeter 
                l'éponge et en rester là.
 |  |  Je 
          n'allais cependant pas tout à fait en rester là : nous 
          avons créé - Pol Braconnier, Monique Dochy, Martine Santkin et moi - le premier Poste pionnier mixte de Belgique. Mais la mixité 
          n'était pas la seule caractéristique de ce projet un peu 
          fou : nous pratiquions aussi le mixage, c'est-à-dire le mélange 
          d'adolescents handicapés mentaux et non handicapés, ainsi 
          que le mixing, c'est-à-dire le mélange de milieux sociaux 
          avec des jeunes très BCBG et d'autres "populaires". 
          Ce fut une expérience assez extraordinaire, même si elle 
          ne fut pas sans mal, notamment sur le plan affectif. Mais ça, 
          c'est une autre histoire ! Après un an, j'arrêtais définitivement 
          le scoutisme. Non sans émotion. Je 
          n'arrêtais cependant pas tout à fait mes engagements au 
          service des jeunes. Dès l'année suivante, je vivais mes 
          premiers camps de montagne, à Arolla et à Grimmentz et 
          Zinal, avec André Kéro, mais aussi Paul et Martine Struelens, 
          Luc Struelens, et d'autres encore. Ces instituteurs m'aidèrent 
          à me poser des questions quant à ma vocation réelle, 
          et c'est grâce à eux que je finis par abandonner les études 
          de droit pour me lancer dans une carrière pédagogique. 
           Je 
          vécus aussi en 1979 un camp ATD-Quart Monde à Bury. Moments 
          inoubliables de vérité, notamment dans l'animation d'ateliers 
          Musique où la création musicale de ces enfants dépassait 
          l'entendement et nous emmenait dans des dimensions rarement explorées 
          ! 
        
          Ma 
            carrière dans les mouvements de jeunesse s'arrêtait ainsi. 
            Je fus bien sûr encore "parent" : mes trois enfants 
            ont à leur tour vécu des moments différents dans 
            l'Unité de Bossut. Au départ, j'aurais bien envisagé 
            de m'investir comme parent. Mais pour cela, il aurait fallu d'une 
            part que l'on ait besoin de moi et d'autre part que je m'y retrouve 
            moi-même. Et j'avoue que les quelques contacts que j'ai eus 
            à ce niveau ne m'ont jamais convaincu... On ne peut sans doute 
            pas être et avoir été. À moins que ce ne 
            soit simplement une question de principes... Les 
            principes... peut-être que finalement tout tourne autour de 
            ça. Les mouvements de jeunesse m'ont apporté des principes, 
            des points de repère intangibles, fondamentaux. Avec des valeurs 
            de partage, d'écoute, d'engagement, de droiture... C'est un 
            peu démodé ? Non, je ne crois pas. Le tout, c'est de 
            ne pas s'y enfermer. Ou du moins d'y enfermer les autres. On est - 
            enfin peut-être "je suis" - trop vite enclin à 
            décider de ce qui est bon pour l'autre en fonction des quelques 
            éléments qu'on a décidé être bons 
            pour soi. Mais on a besoin de ces valeurs ! Et le scoutisme est un 
            lieu extraordinaire pour construire ces valeurs. Aussi pour apprendre 
            à respecter les valeurs de l'autre. Ce n'est pas toujours vécu 
            comme tel.  Pourtant, 
            la seule vraie valeur, le seul vrai principe qui en vaille la peine, 
            n'est-ce pas le respect de l'autre ? C'est cela que j'ai appris dans 
            cette jeunesse en mouvements. |  Chansons
  Textes
  D'hiver
 
 |