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Rescapé médical

 

Cela ne se voit pas au premier coup d'œil, mais je suis un rescapé médical ! Avec des séquelles, même : 9% d'invalidité professionnelle et une médicamentation à vie !

Tout est relatif bien sûr. La vie d'Étienne, mon frère, m'a appris ce qu'était avoir des problèmes médicaux... Et je n'oserais pas prétendre que j'ai une mauvaise santé ni que j'ai eu de graves ennuis à cet égard. Juste de petits problèmes qui se sont bien terminés, mais qui m'ont amené plus d'une fois à me retrouver sur un lit d'hôpital.

  1. Ma vie médicale, à part ma naissance, commence par un épisode comique, mais qui aurait pu être dramatique : vers 2 ou 3 ans, je jouais sagement avec des Matchbox, et je n'ai rien trouvé de mieux que d'avaler une partie d'une bétonneuse... Bref, j'étais en train de m'étouffer, quand mon papa m'a pris par les pieds en me tapotant le dos et - grâce au principe de la pomme de Newton - la dite bétonneuse a fini par ressortir ! Ouf, on pouvait encore jouer avec elle !

  2. Vers la même époque, lors de vacances à Zon en Zee, à Westende, j'ai essayé une nouvelle méthode pour descendre d'un grand toboggan : arrivé au sommet, et aidé si je ne me trompe par un vilain compagnon, j'ai pris la voie la plus rapide, à savoir la verticale ! Cette chute aurait à nouveau pu être catastrophique, mais je crois qu'elle fit surtout peur à ceux qui étaient avec moi.

  3. Plus banalement, il y eut en 1959 l'ablation des amygdales. À l'époque, la tendance était plutôt de les enlever dès qu'il y avait de petits problèmes. Et comme beaucoup, j'y suis passé. Le seul souvenir qu'il m'en reste - mais est-il réel ? -, c'est d'avoir dû m'alimenter à la crème glacée... ce qui n'était pas pour me déplaire.

  4. Je suis retourné ensuite à l'hôpital à cause d'un balancement de tabouret. Nous étions un jour en train de goûter dans la cuisine, je me suis balancé sur mon tabouret, il a glissé et hop j'ai basculé, ma tête atterrissant sur le radiateur placé derrière moi. Beaucoup de sang pour un petit cran. À l'époque, la famille Gerard n'avait pas de voiture. Maman faisait tous ses déplacements en vélo... Alors, ni une ni deux, elle m'a fait un petit bandage, m'a mis sur son porte-bagages, et a pédalé jusqu'à la clinique Édith Cavell (qui m'avait vu naître). Il n'y avait qu'un petit kilomètre à faire, mais il fallait quand même oser transporter à vélo son fils ensanglanté !

  5. Je garde en mémoire trois autres petites blessures : un jour, je marchais - comme souvent - sur le muret devant la maison. Un faux pas et j'ai glissé, l'intérieur de ma cuisse se coupant sur le bord de la pierre bleue. Une grosse coupure dont je garde une cicatrice. Une autre fois, j'ai quitté la maison, sans doute de mauvaise humeur, en claquant la porte... mais en oubliant de retirer ma main ! Résultat, un doigt écrasé. Impressionnant, mais pas très grave. Mes mains en prirent encore un coup lors d'une journée d'hiver. Il y avait dans la salle à manger un poêle à mazout qui aidait à chauffer la pièce. Il n'était pas toujours allumé. Ce jour-là, j'étais de bonne humeur en revenant de l'école et j'ai fait quelques pas de danse autour de la table. En passant devant le poêle, je l'ai utilisé pour me soulever dans les airs en plaçant mes deux mains à plat sur la plaque brûlante... Beau cri de douleur et belles brûlures !

  6. J'adorais toujours la crème glacée, mais je la digérais assez mal. Bref, le 1er avril 1966 - ce n'est pas une blague - j'ai été opéré de l'appendicite par le Docteur D.C. À l'époque, mon frère Étienne avait déjà des problèmes aux jambes et il avait été hospitalisé quelques temps à Sainte-Elisabeth. J'étais très fier de me retrouver exactement sur le même lit que lui... stupide fierté ! J'ai cependant été moins fier quand je me suis réveillé... Je garde un très mauvais souvenir de ma période de réveil, je divaguais, j'avais soif, rien n'allait. Par après, j'ai eu beaucoup moins de problèmes digestifs, mais ma passion pour la crème glacée a disparu !

  7. Après cela, une longue accalmie. J'étais bien malade parfois, mais l'étais-je vraiment ? N'était-ce pas surtout un prétexte pour ne pas aller à l'école ? En réalité, mon grand problème, c'étaient mes dents. Exécrables ! Qu'est-ce que j'ai passé comme temps chez la dentiste ? Combien de rages de dents ai-je eues ? J'en garde d'autant plus un mauvais souvenir que je suis convaincu que la dentiste en question, Mme D., était une incompétente fondamentale. Une vieille dame pas très marrante. Mes dents étaient en piteux état, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, mais quand mes parents ont demandé à la brave dame s'il ne fallait pas me mettre un appareil dentaire pour redresser un peu tout cela, elle n'a rien trouvé de mieux qu'à répondre : "Vous n'y pensez pas ! Un si joli petit garçon !". Eh bien, chère Mme D., le si joli petit garçon, il te foutrait bien son poing dans ta gueule d'incapable pour en démolir ton joli petit sourire ! Passons, mais on en reparlera de mes dents !

  8. En 1969, un petit événement banal aura peut-être une grande importance pour la suite. Lors de mon premier séjour à Gratte, le Poste pionnier (= la troupe scoute) a effectué un trek : la descente de l'Ardèche à pied. J'en étais, mais vers la fin du premier jour, j'ai fait un faux pas, mon pied a basculé et je me suis retrouvé avec une grosse entorse. Impossible de continuer à marcher. J'ai été "rapatrié" à Gratte par Paul Gauthy (décédé le dimanche 9 août 2009, après une longue et pénible maladie)... je l'admire, parce qu'il m'a porté sur ses épaules pendant tout un temps, alors que j'avais quand même 15 ans ! Ce retour à Gratte ne m'a pas apporté grand chose : j'aurais de loin préféré continué la "balade" avec les autres. Le seul avantage, c'est que j'ai pu approcher la belle Odile qui n'avait plus d'autres mâles à croquer. Approcher, c'est beaucoup dire... on a parlé un peu ensemble, j'ai fantasmé, mais elle ne s'est sans doute jamais rendu compte que j'étais là ! Enfin bref, une belle entorse qui a - peut-être, on ne pourra jamais l'affirmer - fragilisé mon pied... mais finalement, était-ce mon pied gauche ou mon pied droit ???

  9. Cela m'amène en 1977. Année difficile. Après une rupture sentimentale difficile, j'avais abouti dans la Communauté de Gratte de la Montagne Saint-Job. Un beau jour, une douleur persistante se manifesta dans le dos. Je finis par aboutir à Sainte-Elisabeth, en médecine interne. Autour de moi, essentiellement des petits vieux qui souffraient de la prostate. Moi, un stupide calcul aux reins. On m'a dit que c'était la seule manière pour un homme de savoir quelle douleur une femme pouvait ressentir en accouchant. Et bien, je peux le dire, ça doit faire vachement mal d'accoucher ! C'est pour ça que j'étais tout heureux d'avoir dans mes bras ma première nièce, Brigitte, sans avoir dû la mettre au monde !
    Ce petit calcul, le médecin a fini par aller le chercher avec une petite sonde. Pas agréable, mais enfin, j'étais endormi. Les analyses ne parvenaient pas à montrer pourquoi j'avais eu ce calcul. Jusqu'au jour, où dans la conversation avec le médecin, je lui ai dit que quelques temps auparavant, j'avais décidé d'arrêter de boire de la bière, et donc que je ne buvais plus beaucoup. C'est la seule fois de ma vie qu'un médecin m'a dit "Je vous ordonne de boire de la bière...". Je l'ai écouté, même si j'ai fini par arrêter à nouveau en 2000...


  10. Tout allait bien jusqu'au jour où en 1982, je peignais le plafond en pente de mon appartement Rue Albert De Latour, j'ai un peu trop allongé le bras, mon échelle a basculé et je me suis retrouvé par terre le souffle coupé. J'ai eu la force de me relever et de descendre auprès de Mariane qui m'a retapé. Mais quelques temps après, la douleur dans la jambe commençait, irradiant depuis le bas du dos. J'ai fini une fois de plus à l'hôpital, Saint-Jean cette fois, rue du Marais. Hernie discale L4-L5. Pas très joyeux, le médecin m'avait dit : "Je peux vous faire une injection dans le disque de papaïne. Cela dissout le disque. Mais cela ne marche pas toujours : environ 50% de réussite.". J'ai pris le risque. Est-ce que j'avais une autre solution ? Avec le recul, je me suis toujours dit que j'aurais quand même dû lui demander ce qui se passerait si je n'étais pas dans les 50 bons pourcents. Je ne l'ai pas demandé, et heureusement, la pièce est retombée du bon côté... mais je sais que depuis, ce traitement n'est plus trop utilisé. Trop dangereux ?

  11. Je m'en suis remis, bien aidé par France L. et la méthode de kiné Mézières, une technique douce où le patient fait lui-même l'essentiel du travail. Tout allait bien jusqu'au 30 juin 1990. C'était le dernier jour de l'année scolaire. Le lendemain, nous devions partir en famille en vacances à Combloux. Pour fêter la fin de l'année, un match de foot profs-élèves était organisé. J'avais un peu joué en défense pendant la première mi-temps, puis j'avais repris ma place préférée : gardien de but. Un ballon aérien est arrivé et j'ai sauté pour le dévier. Il n'y a pas eu de but, mais dans mon saut, je me suis dit "Quel est l'imbécile qui me shoote sur le mollet ?". Je suis tombé, et quand j'ai voulu me relever, il y avait comme un problème : mon pied gauche pendait lamentablement au bas de ma jambe. Impossible de le relever : rupture totale du tendon d'Achille. Je savais encore marcher, mais mon pied battait chaque fois bêtement l'air. J'ai été conduit aux urgences à Saint-Luc. Longue attente. Après un certain temps, une préposée m'appelle au guichet. Tout heureux d'être enfin soigné, je me lève et la rejoins péniblement pour m'entendre dire "Est-ce que vous avez votre carte d'identité ?". Nouvelle attente. Lorsqu'enfin je suis pris par un médecin, il m'annonce que j'ai le tendon d'Achille sectionné - comme si je ne le savais pas encore ! -, qu'il peut m'opérer, mais pas avant 3 jours et qu'il ne sait même pas si un lit est disponible pour moi. Tout allait bien ! Le poussant à trouver une autre solution, il a fini par lâcher que peut-être à Saint-Pierre, à Ottignies... Suffisait de le dire, c'était beaucoup plus simple pour moi. Il y avait de la place, et j'ai été opéré le lendemain par le docteur V. Quelques jours plus tard, j'étais de retour à la maison, avec mon pied dans le plâtre.

  12. Tout s'est enchaîné alors. Un jour, après avoir aidé Jérôme, un an, à se relever, j'ai senti le soir une douleur insupportable dans le dos. D'après les médecins, rien de grave, un peu de kiné et de physiologie allaient arranger cela. Je suis même parti en vacances en Hollande avec toute la famille... conduisant pas mal de kilomètres malgré mon plâtre (ne le répétez à personne). Mais de retour de ces bonnes vacances, la douleur est réapparue, plus forte, plus lancinante. J'ai fini par atterrir à nouveau à Saint-Pierre et à passer une semaine "en traction", immobile dans mon lit. C'était psychologiquement dur, parce que cela me rappelait les premiers jours d'Étienne après son accident. C'était physiquement dur, parce que cela n'a vraiment rien de drôle d'être totalement bloqué sur son lit. D'autant plus que cela ne donnait aucun résultat. Bref, après une semaine de supplice, le Docteur A. m'a opéré fin août d'une hernie discale L5-S1, par microchirurgie. Efficace. Sauf que j'aurais dû en même temps commencer ma rééducation pour mon talon d'Achille et que c'était évidemment un peu difficile étant donné ma situation.

  13. J'ai fini par rentrer à la maison. Après quelques jours, nouvelle douleur fulgurante, cette fois dans les poumons. Aux urgences d'urgence... où ils ne voient rien. Retour à la maison. Suivi d'un retour aux urgences. Etc. Finalement, ils ont dit que j'avais une pneumonie. Jamais eu aussi mal de ma vie. Oui, je sais, j'ai déjà dit ça pour mon calcul aux reins. Mais cette fois-ci, j'étais sûr que j'allais mourir. Je ne suis pas mort.

  14. Je m'apprêtais à reprendre le travail. Pendant le congé de Toussaint, nous sommes allés, Brigitte et moi, passer un week-end revigorant en Ardennes, près de Bouillon. Nous étions descendus jusqu'au bord de la Semois, mais en remontant je n'avais plus aucun souffle. Je me traînais péniblement, n'étant capable que de faire une dizaine de mètres avant de me reposer. La nuit tombait. J'ai envoyé Brigitte rapprocher la voiture pendant que je rassemblais toutes mes forces pour avancer quand même. Je m'en suis sorti. Quand j'ai été à ma séance de kiné pour mon talon, j'ai dit à ma kiné que j'avais un peu mal dans la jambe. Dès qu'elle l'a vue, elle est partie appeler un médecin qui a appelé l'hôpital pour une consultation d'urgence en médecine interne. J'y suis allé. Le médecin a vu ma jambe et m'a demandé de le suivre. Nous avons été jusqu'au service de médecine interne - là où il n'y a que des prostates -, le médecin m'a désigné une chaise roulante en m'intimant de ne plus en bouger ! Thrombophlébite, avec risque d'embolie pulmonaire. J'ai téléphoné à Brigitte pour lui demander d'apporter ma valise et j'ai été logé dans la seule chambre disponible, immense et luxueuse. Une semaine au calme... et pas de reprise professionnelle avant deux mois. (Vous aurez compris que mon épisode "pneumonie" devait sans doute être une petite embolie pulmonaire qui s'est relativement bien passée puisqu'"elle n'a fait que mal"... Cela, les médecins ne me l'ont jamais avoué, mais j'en suis convaincu !)

  15. Dans tous ces problèmes, il y a quand même eu quelque chose d'extraordinaire. En 1992, j'avais une fois de plus mal aux dents. J'ai cherché un nouveau dentiste du côté de Louvain-la-Neuve, et je suis arrivé chez Christian L.R. Dès que j'ai ouvert la bouche, il a commencé son grand numéro et m'a convaincu de me lancer dans "l'occlusion" (ou plutôt "occlusodontologie"). J'ai accepté, et je crois que c'est une de mes meilleures décisions de ma vie. Christian m'a redonné une mâchoire complète et m'a équilibré tout cela. Je n'ai pas toujours très bien compris ce qu'il a fait, mais je sais que depuis lors, je n'ai quasiment plus été malade, que je n'ai (preque) plus jamais eu mal aux dents, et que - fondamentalement - je me sens mieux.

  16. Cela ne m'a pas empêché lors d'une mission au Vietnam en 1996 de ressentir une douleur lancinante dans le pli du genou gauche. Difficile de marcher encore. Mais j'ai terminé ma mission. Conscience professionnelle. J'ai juste demandé à Brigitte de me prendre un rendez-vous chez le médecin pour mon retour. Le circuit a été plus ou moins semblable à celui de 1990 : j'ai abouti sur un lit d'hôpital (à Saint-Pierre, Ottignies) avec interdiction absolue d'en bouger. Thrombophlébite bis. Le syndrome de la classe économique. Je m'en suis sorti... et j'ai sans doute eu beaucoup de chance. Depuis lors, je dois équilibrer en permanence mon taux de coagulation.

  17. Puis pendant 10 ans, cela a été relativement calme. Mais au début de l'année 2006, j'ai eu des problèmes de nuque et d'épaule droite. Douleurs permanentes, et plus possible de vraiment bouger cette épaule. Un long travail, douloureux, avec un ostéopathe m'a permis de récupérer au bout du compte. Mais fin octobre 2006, j'ai fait une chute stupide avec mon scooter 125 cm3. Je me suis étalé de tout mon long sur le côté gauche. Dans les jours qui suivirent, ce furent surtout ma jambe et spécialement mon genou ouvert qui m'ont fait souffrir. Mais après, ce fut mon épaule gauche. Ça a pris du temps et j'ai souffert, mais une fois de plus je m'en suis sorti. Un véritable rescapé, vous dis-je.

Finalement, il n'y a sans doute rien d'extraordinaire dans tout cela. Juste de petits pépins qui se sont plutôt bien terminés.

J'ai appris à vivre avec mon dos qu'il faut préserver, avec mon talon qui n'a jamais retrouvé sa souplesse, avec mon Sintron et les prises de sang périodiques. Il y a pire. J'ai aussi appris à vivre avec mes acouphènes : ce n'est pourtant pas évident d'avoir quelques grillons qui chantent en permanence au creux de mes oreilles... D'autant plus que celles-ci ont fini, comme pour mes parents, par perdre de leur efficacité. Depuis 2014, je porte donc des appareils auditifs et j'en suis très content !

N'empêche. Je sais qu'on est bien peu de choses. À tout moment, on peut passer de l'autre côté. C'est la vie. Je vis avec elle et elle sera toujours ma seule compagne. Quand elle s'en ira, je ne serai plus là pour rencontrer l'autre compagne, la mort. En attendant, je suis là, avec la vie. Elle est merveilleuse. Pas facile, bien sûr. Comme il n'est pas facile de vivre avec un handicap, aussi minime soit-il. Mais on s'y fait. Oui, on se fait aux petits problèmes de santé. Se fait-on aux grands problèmes de santé ? Je n'en sais rien. Je ne sais pas comment je m'y ferais. Mais finalement, il y a une chose à laquelle je ne me fais pas : la vie. C'est tout à fait dingue, la vie !


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